Depuis juillet 1914, chacune des deux alliances (l’Entente et les Puissances Centrales) tentent de rallier, de gré ou de force, un maximum de pays à leur cause. En 1917, les Puissances Centrales regroupent l’Empire Allemand, l’Empire Austro-Hongrois, l’Empire Ottoman, et la Bulgarie. Les forces de l’Entente comptent la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Italie (et leurs empires coloniaux ou dominions), l’Empire Russe, la Serbie et la Roumanie. Après des mois de pressions politique et l’occupation partielle de son territoire par des forces franco-anglaises, la Grèce a officiellement rejoint le camp de l’Entente fin 1916. Plus anecdotique, le Japon et le Portugal sont aussi entrés en guerre contre les Puissances Centrales.
Mais 1917, après plus de trois de ans d’une guerre meurtrière les belligérants ressemblent à des boxeurs sonnés, titubants, au bord du KO. L’Europe et le monde sont pris dans une spirale infernale, avec une escalade de la violence des combats, du rationnement, du nombre de fronts, du nombre de pays impliqués, dans un conflit qui touche l’Asie, l’Afrique, l’Europe et sur toutes les mers du globe.
Stratégie allemande : défensive à l’Ouest et guerre sous-marine à outrance
Après l’échec de l’offensive menée à Verdun en 1916, les généraux Ludendorff et Hindenburg, nouveau binôme à la tête de l’armée allemande, décident de concentrer leurs efforts contre une Russie bien affaiblie et de passer sur la défensive en France et en Belgique. Entre la fin 1916 et février 1917, les zones indéfendables entre Arras et St-Quentin sont ainsi évacuées tandis qu’une nouvelle ligne de défense puissamment fortifiée est construite tout le long du front : la ligne « Hindenburg ». Cette ligne s’étend en profondeur sur plusieurs kilomètres et est composée de plusieurs zones retranchées successives avec de larges réseaux de barbelés, des casemates souterraines, des bunkers, nids de mitrailleurs camouflés ainsi que des positions d’artillerie. Le but de cette défense en profondeur est d’infliger de lourdes pertes à l’adversaire avec un minimum de défenseurs et ainsi de progressivement affaiblir l’offensive adverse avant de contre-attaquer avec les réserves postés à l’arrière des premières lignes.
Les alliés franco-anglais interprètent mal ce retrait en l’associant à un signe de faiblesse de l’armée allemande ce qui les encouragent à lancer au plus vite une grande offensive dans la région de Reims et dans les Flandres.
Parallèlement à cette stratégie défensive, les généraux allemands obtiennent de l’empereur le retour à la guerre sous-marine à outrance le 1er février 1917 : les U-boot sont à nouveau autorisés à couler tous les navires de commerce transitant dans l’Atlantique Nord, la Manche et la Mer du Nord y compris ceux des pays neutres. Le but est d’établir un blocus maritime sévère contre la Grande-Bretagne. Depuis la bataille du Jutland en 1916, les navires de guerre allemands demeurent en effet dans leur port impuissants tandis que la marine britannique impose un blocus économique à l’Allemagne et à ses alliés. Seuls les sous-marins sont encore à même de défier la puissance de la Royal Navy et de harceler les navires de commerce.
Mais le choix cette stratégie risque d’irriter fortement les États-Unis car elle perturbe le commerce international et menace les navires américains d’être torpillés. En 1915, suite au torpillage du « Lusitania » et la mort de citoyens américains, le gouvernement allemand, sous la pression des États-Unis, avait accepté de suspendre les attaques contre les bateaux neutres mais en 1917 la donne a changé. Ludendorff et Hindenbourg ainsi que les amiraux pensent arriver à interrompre les importations de ressources vers la Grande Bretagne et provoquer l’effondrement de son économie en seulement six mois. Effectivement, le nombre de navires coulés augmente fortement et la Grande-Bretagne se retrouve dans une situation difficile mais les dirigeants allemands ne pressentent pas les risques d’une telle stratégie. Autant l’empereur Guillaume II que les militaires allemands sous-estiment et méprisent la puissance potentielle industrielle et militaire des États-Unis.
Le télégramme Zimmermann : une provocation désastreuse.
En effet, le 16 janvier 1917, le ministre allemand des affaires étrangères Zimmermann a envoyé à l’ambassadeur d’Allemagne à Mexico un télégramme chiffré proposant au gouvernement mexicain une alliance militaire. En contrepartie d’une attaque contre les États-Unis, l’Allemagne promet au Mexique une aide financière et la restitution du Texas, du Nouveau-Mexique et de l’Arizona. Intercepté puis décrypté par les services de renseignement britanniques, il est transmis le 25 février au gouvernement américain puis rendu public le 1er mars 1917. A noter que ayant espionné les communications télégraphiques d’un câble mis à disposition par le gouvernement américain afin de faciliter les échanges diplomatiques entre l’Allemagne et l’Amérique, le gouvernement anglais masquera l’origine de ce renseignement afin de ne pas « froisser » les États-Unis. Alors que cette affaire exacerbe les tensions entre l’Allemagne et les États-Unis mais aussi entre les États-Unis et le Mexique, le 12 mars le cargo américain « L’Algonquin » est coulé par un sous-marin allemand suivi une semaine plus tard du « Vigilencia ».
L’opinion publique et la classe politique américaine ne sont alors majoritairement plus opposées à l’entrée en guerre de leur pays. Le 6 avril, le Président Wilson réunit le Congrès en urgence et obtient le vote de la déclaration de guerre contre l’Allemagne. L’apport de l’entrée en guerre des États-Unis aux côtés des alliés de l’Entente est initialement surtout d’ordre économique car en 1917. L’armée américaine ne dispose que d’à peine 100 000 hommes sans expérience et sans équipements modernes. De longs mois seront donc nécessaires pour mettre en place un système de conscription, entrainer et équiper les soldats, et les transporter en Europe. Les États-Unis sont cependant capables de mobiliser rapidement leur marine marchande, et de fournir à la France et l’Angleterre les ressources nécessaires à leur effort de guerre (charbon, fer, pétrole, blé…). Sous la pression des États-Unis, les pays d’Amérique du Sud cesse aussi complétement de commercer avec les Puissances Centrales ce qui aggrave un peu plus leurs difficultés pour approvisionner leur industrie en matières premières et renforce le blocus imposé par la Grande-Bretagne.
L’échec sanglant du Chemin des Dames et les mutineries.
Le 17 avril, le général Nivelle démarre donc son offensive sur le Chemin des Dames que l’état-major français estime décisive et pouvant aboutir à la rupture du front allemand. Il dispose en effet de la supériorité numérique notamment en pièces d’artillerie. Malheureusement, chaque vague d’assaut successive se solde par des échecs et malgré quelques avancées locales, les défenses allemandes bien organisées, sur un terrain favorable, tiennent. Le nom du plateau de Craonne restera associé à cette bataille comme le symbole des ces assauts inutiles et répétés par des officiers qui s’entêtent. Finalement, le 15 mai l’offensive générale est suspendue tandis que le général Nivelle est démis de ses fonctions au profit du général Pétain. En quelques semaines, près de 180 000 soldats français ainsi que 160 000 allemands sont morts ou blessés pour défendre ou conquérir quelques kilomètres de terrain.
Suite à ce désastre une vague de mutinerie touche plusieurs unités françaises. Les soldats sont fatigués des attaques répétés qu’ils jugent inutiles, ont le sentiment d’être sacrifiés en pure perte et refusent de remonter en ligne. Ce mouvement n’est pas défaitiste car si les soldats refusent de nouvelles attaques ils continuent de défendre leur position contre l’ennemi. On est donc plus proche d’une situation de grève avec des soldats en colère contre leur commandement et réclamant de meilleures conditions de vie. Les mutineries touchent assez peu les unités de première ligne mais surtout celles se trouvant à l’arrière du front. Le remplacement de Nivelle par Pétain permet de calmer un peu les esprits ainsi que l’abandon des grandes offensives qui se sont révélées désastreuses. Si le général Pétain améliore les conditions de vie des poilus, la nourriture, et augmente la fréquence des permissions il poursuit la répression contre les « meneurs » des mutineries (le pic des condamnations ayant lieu après sa nomination).
Au total 3 500 soldats seront jugés 1381 feront l’objet de condamnations pour « refus d’obéissance » dont 575 à mort et parmi elles 49 seront effectives. Ce nombre de condamnations est à la fois peu et énorme. Peu si on considère que plus d’un million de soldats français sont engagés au front, et que le nombre de fusillés ou d’exécutions sommaires étaient supérieures en 1914 après les défaites initiales. Mais le cas des fusillés est choquant si l’on songe qu’une partie d’entre eux fut condamnée et exécutée arbitrairement, « pour l’exemple » et sans procès équitable. Les autres belligérants sont eux aussi concernés par des mutineries mais de moindre ampleur. L’armée britannique connait ainsi plusieurs jours de mutinerie parmi des unités déployées à l’arrière du front dans le Pas de Calais (septembre 1917). En Allemagne, l’inactivité et la dureté de la discipline provoquent des manifestations de marins tandis que des brigades italiennes connaissent des mutineries en mars et juillet 1917.
Parallèlement l’armée britannique épaulée par les Canadiens conduit de nouvelles offensives dans les Flandres à Passchendaele et à Vimy de juillet à novembre 1917 avec comme sur la Somme un emploi massif de l’artillerie. Si cette bataille permet la conquête du saillant de Ypres et de faire reculer l’armée allemande de quelques kilomètres, elle n’en demeure pas moins comme l’une des offensives les plus sanglantes de la guerre. A partir d’octobre, les pluies d’automne rendent le terrain extrêmement boueux ce qui désorganise complétement la logistique, ralentit l’avancée de l’infanterie, impliquant de lourdes pertes. Après trois mois d’offensive environ 250 000 soldats français mais surtout britanniques, et canadiens ainsi que 260 000 allemands sont morts, blessés ou disparus.
Le 23 octobre, pour remonter le moral de l’armée française, affectée après la bataille du Chemin des Dames, le général Pétain relance dans cette même région près du fort de la Malmaison une offensive locale. Pour assurer la réussite de l’attaque il ne lésine pas sur la préparation d’artillerie : on compte 1 800 canons alignés sur 12 km de front et qui vont tirer pas moins de 3 millions d’obus (avec gaz de combat pour certains) en seulement six jours. Les reconnaissance aériennes permettent d’identifier les cibles et donc d’augmenter l’efficacité du bombardement. Cette attaque permet avec des pertes limitées, de faire reculer les lignes allemandes de dix kilomètres, de faire plusieurs milliers de prisonniers et surtout de redonner confiance aux soldats après les mutineries de l’été. La bataille de La Malmaison prouve qu’une attaque limitée mais bien préparée peut ébranler efficacement les défenses allemandes.
1917 : Les révolutions russes.
les dates sont donnés dans le calendrier julien en vigueur en Russie en 1917.
En 1917, la ville de St Pétersbourg se nomme Petrograd (le nom a été russifié au début de la guerre).
Jusqu’au déclenchement de la guerre, le régime tsariste était parvenu à réprimer les mouvements de contestation et les révoltes populaires. Mais en 1917, la population russe est lasse de cette guerre lointaine voulue par le tsar et les cercles nationalistes et qui est en train de tourner à la catastrophe. La prometteuse offensive du général Broussilov de l’été 1916 a échoué à rompre définitivement les défenses austro-allemandes et ce malgré des succès réels : l’armée austro-hongroise étant alors au bord de l’effondrement. Faute d’avoir obtenu une percée décisive, l’armée russe démoralisée et affaiblie doit désormais subir les incessantes contre-attaques allemandes. Les pertes subies depuis le début du conflit deviennent terribles et insupportables: on compte en effet près de 1,7 millions de morts, 5 millions de blessés et des dizaines de milliers de prisonniers. Les soldats n’ont plus confiance dans leurs officiers, ne comprennent plus le but de cette guerre et sont plus sensibles aux idées révolutionnaires. A l’arrière les conditions de vie dans les villes sont très dures. Une majorité de paysans ayant quittée leur ferme pour l’armée et la production industrielle étant réservée en priorité au front, sont deux facteurs qui font que le ravitaillement des villes devient très difficile. Les défaites successives, les nombreux morts, la pénurie ambiante qui contraste avec le train de vie impérial opulent accroissent l’impopularité du régime. Depuis le 21 aout 1915, malgré son inexpérience, le tsar Nicolas II a choisi d’assurer personnellement le commandement de l’armée russe. Cette décision lui impose d’une part de rester éloigner de la capitale Petrograd donc du pouvoir politique et d’autre part d’être tenu responsable de chaque défaite militaire.
En février 1917, du fait d’un hiver rigoureux, la population souffre davantage encore du rationnement, et de pénuries alimentaires symbolisés par les files d’attentes devant des magasins souvent vides. La famine menace de toucher de nombreuses régions. Pour protester contre leurs conditions de travail, les ouvriers des usines de Petrograd décident la gréve générale et sont rejoints le 23 février par des femmes qui manifestent pour réclamer du pain. Au fil des jours, les manifestations grossissent et les slogans désormais se radicalisent en dénonçant la guerre et l’autocratie. Envoyés pour mater les manifestants certains des soldats tirent sur la foule mais très rapidement les unités de la garnison de Petrograd refusent d’obéir et fraternisent avec les manifestants tandis que les policiers sont désarmés. Les manifestants forment des conseils de soldats et d’ouvriers : les soviets. Dans le même temps, la Douma décide de constituer un gouvernement provisoire. Nicolas II envisage d’envoyer plusieurs divisions pour réprimer la révolution en cours mais les généraux l’en dissuadent: l’armée refusera d’obéir et les régiments pourraient se mutiner.
Finalement le 15 mars 1917, Nicolas II doit accepter d’abdiquer en son nom mais aussi en celui de son fils. En quelques jours, la dynastie des Romanov au pouvoir depuis trois cents ans s’est effondrée par une révolution relativement pacifique. De cette révolution va naître deux pouvoirs opposés. Le premier parlementaire est centré autour de la Douma (Parlement russe) et de Kerenski et souhaite une République modérée réformatrice qui doit poursuivre la guerre au côté des alliés de l’Entente. Le second se revendique du pouvoir des soviets et regroupent les forces révolutionnaires avec les bolcheviks, et les mencheviks. Revenu en avril en Russie, Lénine principal dirigeant du parti bolchevik rêve d’une seconde révolution qui aboutirait à une « dictature du prolétariat » et popularise le slogan « La paix, la terre, tout le pouvoir aux soviets » qui répond aux attentes d’une partie croissante de la population.
Les espoirs portés par la Révolution de Février (fin de la censure, démocratisation, liberté d’expression etc…) sont rapidement déçus et la Russie s’enfonce alors progressivement dans la tourmente : l’instabilité politique est totale, les paysans s’emparent des terres de leur propriétaire, sur le front de plus en plus de soldats désertent, spontanément des soviets s’organisent dans les garnisons propageant des idées révolutionnaires, tandis que les grèves se multiplient. Les pillages deviennent récurrents ce qui déstabilise un peu plus le ravitaillement, accroit les pénuries et donc l’anarchie ambiante.
Octobre : la terre, la paix, tout le pouvoir aux soviets
Cette situation profite évidemment aux Puissances Centrales dont les armées après l’échec de la dernière offensive russe en juillet 1917, peuvent conquérir Vilnius puis Riga et ainsi occuper l’ensemble des pays Baltes avant de progresser dangereusement vers la capitale russe : Petrograd. Dans la nuit du 24 au 25 octobre, les Gardes Rouges s’emparent des points stratégiques de Petrograd (central téléphonique, banques, ponts, gares …) ainsi que le Palais d’Hiver où siège le gouvernement. Le Premier Ministre Kerenski parvient de justesse à s’enfuir. Aucun des régiments stationnés à proximité de Petrograd, ne s’oppose à l’insurrection permettant ainsi à Lénine et aux bolcheviks de s’emparer facilement du pouvoir et d’instaurer un régime socialiste. Deux semaines de combats sont cependant nécessaires pour permettre aux bolcheviques de s’emparer de Moscou. De fait, seule une partie de la Russie centrale est réellement contrôlée par le nouveau pouvoir socialiste qui doit faire face à des forces contre-révolutionnaires menées par d’anciens officiers tsaristes et à des révoltes dans le Caucase, en Sibérie et en Ukraine. Le 15 novembre, Léon Trotski propose une paix générale « sans annexion ni indemnité ». Cette annonce achève la décomposition de l’armée russe, les soldats fraternisent avec les soldats allemands, refusent d’obéir, et quittent en masse leurs unités pour rejoindre leur foyer. L’ex-Empire Russe poursuit sa dislocation: le 6 décembre 1917, la Finlande déclare son indépendance sans que le pouvoir bolchevique ne puisse ou veuille s’y opposer.