La bataille de Moscou : Opération Typhoon

Soldats allemands du Groupe Armée Centre à l’assaut des lignes soviétiques en septembre 1941

Le 30 septembre, le groupe d’Armées Centre reprend sa marche en direction de Moscou.

A la fin août 1941, l’espion soviétique à Tokyo, Sorge transmet un renseignement vital (confirmé par l’interceptions de communications japonaises) : le Japon n’attaquera pas l’URSS car ses objectifs sont désormais dans la zone Pacifique. Les Soviétiques peuvent donc dégarnir le Front d’Extrême–Orient et renforcer les forces qui font face aux Allemands. Mais Staline a désespérément besoin de temps pour redéployer ces divisions.

Carte III extraite du livre « Joukov, l’homme qui a vaincu Hitler » de Jean Lopez montrant la manœuvre des armées allemandes pour encercler Moscou.

La Wehrmacht continue sa progression, réalisant un nouvel encerclement géant autour de Viazma et de Briansk (Carte ci-dessus), piégeant près de 500 000 hommes. Après plusieurs semaines de combats désespérés Joukov ordonne aux unités encerclées, de Viazma, de percer en direction des lignes soviétiques. Les pertes sont une fois de plus importantes (seuls 85 000 soldats parvinrent à s’échapper) mais les 18 divisions allemandes mobilisées dans la bataille sont épuisées et ne seront plus opérationnelles avant longtemps. Joukov a également eu le temps d’édifier trois nouvelles lignes de défenses devant Moscou.

Avec les pluies d’automne, les routes se transforment en mer de boue ce qui certes affecte la logistique des deux camps mais freine considérablement l’avance allemande.

De plus, en octobre, les Allemands vont bientôt se retrouver face à un nouvel adversaire : la pluie d’automne que les Russes nomment « raspoutitsa ». En quelques jours, les chemins se transforment en une mer de boue qui aspire tout. Chars et véhicules s’embourbent formant d’immenses embouteillages tandis que l’acheminement des vivres et des munitions devient difficile. Certaines divisions doivent ainsi être ravitaillées par l’aviation. L’avance des divisions allemandes tombe de 30 km à moins de 5 km par jour. L’offensive allemande se déploie, cependant, en trident afin d’attaquer à la fois sur les flancs du dispositif soviétique (nord et sud de Moscou, cf carte III) et au centre. Le 15 octobre, un mouvement de panique se propage dans la capitale : les Allemands sont aux portes de la ville ! Sur ordre de Staline, les administrations et les organes du Parti sont évacués plus à l’Est vers Kouïbychev tandis que les bâtiments stratégiques sont minés. Plusieurs rumeurs se répandent : Staline aurait été destitué ou fui, des parachutistes allemands seraient déjà dans la ville… Des usines se mettent en grève, dans quelques rues on brûle les portraits de Lénine et Staline, des magasins sont pillés, des cadres du Parti désertent leur poste. Des unités du NDKV prennent position dans la ville pour rétablir l’ordre. Lavrenti Beria, chef tout puissant du NKVD, désigne les détenus devant être fusillés immédiatement. En quelques jours, 300 prisonniers sont exécutés dans les caves de la Loubianka dont des généraux accusés d’avoir trahis.

Au centre, la division SS « Das Reich » s’empare le 16 octobre de la cité de Borodino à 110km de Moscou tandis qu’au nord-ouest la Wehrmacht conquiert Kalinine située à seulement 160km de la capitale. Sur le flanc sud, les divisions de Guderian dépasse la ville de Toula (cf Carte III) menaçant ainsi Moscou sous un autre angle. Cependant, du fait des contre-attaques soviétiques et de l’épuisement de leur ravitaillement, les Allemands doivent le 30 octobre suspendre leur offensive et reconstituer leurs forces. Le général Hoepner, commandant la pince nord de l’offensive allemande, rapporte :

 Plus rien ne nous arrive, ni carburant, ni munitions, ni nourriture. Les avions ne peuvent plus décoller, soit parce qu’ils sont engloutis sur les aérodromes, soit parce qu’on ne leur a pas livré d’essence.

Plus au Sud, le 18 octobre, après 73 jours de siège, les troupes roumaines s’emparent du port d’Odessa tandis que les unités allemandes commandées par le général Von Manstein progressent en Crimée en direction de Sébastopol principal port de la flotte soviétique en Mer Noire. La ville de Sébastopol abrite aussi plusieurs bases aériennes qui permettent aux escadrilles soviétiques de bombarder les installations pétrolières roumaines de Ploiesti qui sont vitales pour la logistique des armées allemandes (un peu moins de 50% des ressources pétrolières de l’Allemagne provient des champs pétroliers roumains).  S’emparer de Sébastopol devient donc un objectif prioritaire pour la Werhmacht et pour Hitler.

Pour raviver le moral des Soviétiques, Staline décide de maintenir le traditionnel défilé du 7 novembre qui commémore la Révolution de 1917[I] Jusqu’en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien en retard de 15 jours par rapport au calendrier grégorien (que nous utilisons). La révolution dite d’Octobre qui établie le pouvoir de Lénine et des bolcheviks a donc eu lieu le 7 novembre dans le calendrier grégorien . Devant le Kremlin, il appelle les Russes à se souvenir des exploits de Lénine mais aussi des anciens héros de l’époque tsariste : le prince Nevski vainqueur des chevaliers Teutoniques ou de Koutousov vainqueur de Napoléon. Un tabou est brisé, pour la première fois, un lien est établi entre l’ancien patriotisme et celui des soviets. Les divisions sibériennes défilent sur la Place Rouge puis vont renforcer les défenses de la capitale. Staline fait également suspendre les persécutions contre l’Église orthodoxe : la religion doit elle aussi galvaniser le peuple russe dans la défense de la Mère Patrie. Staline est, en effet, un dirigeant cynique et pragmatique capable d’infléchir sa politique en fonction des circonstances.

 

Le témoignage de l’ingénieur Yakovlev est particulièrement éclairant sur ce sujet. Durant l’automne 1941, celui-ci se permet d’adresser directement une requête au chef suprême :

« Camarade Staline, voilà plus d’un mois que l’adjoint du Ministre de l’Aviation a été arrêté. Nous ignorons pourquoi mais, pour nous, il est impossible d’imaginer qu’il soit un ennemi. La direction des constructions aéronautiques est de ce fait très affaiblie. Nous vous prions de réétudier cette affaire. »

« — Staline : C’est vrai…, c’est vrai. Voilà quarante jours qu’il est arrêté et qu’il refuse d’avouer. Peut être est-il innocent… c’est possible. Ça arrive. »

Le lendemain, Vassili Petrovitch Balandine, traits tirés, crâne rasé, occupait à nouveau son bureau. Quelques jours plus tard, Staline a demandé :

« — Comment va Balandine ?

« — Il travaille, camarade Staline, comme si rien n’était arrivé.

« — Oui, on l’a arrêté pour rien. […] Cela arrive. Un bon travailleur, les autres l’envient, intriguent contre lui. Si en plus, c’est un homme courageux, il parle, il attire l’attention d’un NKVD méfiant qui ne sait rien faire de bon et est toujours prêt à utiliser rumeurs et ragots. Iejov, un salaud ! Il a fait périr beaucoup d’innocents. Nous l’avons fusillé pour cela. »

Toute la duplicité du dictateur tient dans ces lignes.

La population est entièrement requise pour creuser et construire des obstacles antichars ou des barricades tandis que la Stavka mobilise tous les hommes en état de porter des armes. Ces soldats hâtivement armés seront sacrifiés pour ralentir à tout prix la progression de la Wehrmacht.

Soldats allemands aux abords de Moscou en novembre 1941.

Si à partir du 15 novembre, le froid permet de geler le sol et de relancer l’avance des Panzers, le thermomètre tombe rapidement à -10° C. La Wehrmacht n’est pas équipée pour une campagne d’hiver, la plupart des tenues de protection sont bloquées en Pologne faute de transport disponible. Pour survivre au froid les soldats volent les manteaux, les gants ou les bottes des prisonniers russes, pillent les villages, expulsent les habitants de leurs isbas sans se soucier de leur sort. Fin novembre, les Allemands sont à moins de 32km du nord de Moscou. Les feldgraus aperçoivent, au loin, les bulbes dorés du Kremlin. Le 2 décembre, Guderian peut installer son QG à Iasnaia Poliana dans l’ancienne villa de l’écrivain Tolstoï, l’auteur de Guerre et Paix ! L’effort allemand, cependant, s’essouffle. Certains bataillons se réduisent à seulement 60 hommes valides sur 500 initialement. La Wehrmacht n’a plus que le tiers de son équipement encore opérationnel tandis que l’aviation est clouée au sol par le mauvais temps. Les conditions climatiques ne cessent de se dégrader. Le jour ne dure que cinq heures et la nuit la température tombe à -35°C. La neige épaisse freine et épuise l’infanterie, les armes s’enrayent, l’huile des moteurs et les chenilles des chars sont gelés. Les médecins allemands recensent en décembre près de 100 000 cas de gelures et la moindre blessure est mortelle si aucune évacuation n’est possible. Vassili Grossman, correspondant de guerre soviétique, écrit

«Sur les axes de notre avancée gisent des Allemands gelés. Les corps sont absolument intacts. Ce n’est pas nous qui les avons tués, c’est le froid. »

Soldats allemands tentant de secourir un blessé en décembre 1941.

Même si les soldats russes sont, en moyenne, mieux équipés pour l’hiver, les conditions de vie sont extrêmes pour les deux camps. Les soldats souffrent des poux et des punaises qui apportent des maladies comme le typhus. Les combats pour prendre ou défendre une tranchée, une isba sont acharnés. Perdre un village ou le moindre abri contre le froid équivaut à une mort certaine. Dans chaque camp, on achève les blessés ou on tue les prisonniers. La guerre à l’Est atteint un degré de brutalité, de déshumanisation des combattants pratiquement jamais atteint sur les autres fronts.

Perdus dans les plaines glacées, les soldats allemands commencent, eux, à prendre conscience de l’immensité de la Russie. Le 4 décembre, un nouvel assaut contre Moscou se brise sur les défenses soviétiques.

Soldats soviétiques devant Moscou en décembre 1941.

Écœurés, les généraux Guderian et Kluge, anticipant les ordres d’Hitler, ordonnent aux unités de la Wehrmacht de passer sur la défensive voire dans les secteurs vulnérables de se replier. L’OKW et Hitler estiment que l’Armée Rouge épuisée est incapable de relancer de vastes offensives. Il sera donc temps, une fois l’hiver passé et l’armée rééquipée, d’avancer à nouveau sur Moscou. Erreur ! Depuis la fin novembre, Joukov et Staline ont senti l’affaiblissement de la Wehrmacht à la fois devant Moscou mais aussi en Ukraine où les Allemands viennent d’être chassés de la ville de Rostov. Confiant désormais dans la solidité de son système défensif, Joukov peut concentrer des troupes pour contre-attaquer. Son plan est classique : fixer les unités allemandes au centre et frapper simultanément sur les ailes pour détruire les deux Panzergruppen (au nord et au sud de Moscou voir Carte III) dont les flancs sont dangereusement exposés.

Soldats russes accompagné d’un char T-34 montent au front devant Moscou (décembre 1941)

Le 6 décembre 1941, les soldats allemands sont réveillés par le son de la préparation d’artillerie soviétique. L’Armée Rouge aligne plusieurs batteries de lance-roquettes multiples surnommés, par les Soviétiques, Katioucha en hommage à une chanson populaire. Les Allemands, à cause du son terrifiant provoqué par le départ des roquettes et de leur puissance de destruction, préfèreront le nom d’Orgues de Staline (StalinOrgel).   Joukov engage sur les axes de son offensive environ 800 000 hommes et dispose enfin d’une supériorité aérienne. La cavalerie et les skieurs soviétiques s’infiltrent dans les lignes allemandes, menaçant les lignes de communication. Après quelques jours de combats incertains, la Wehrmacht, démunie de divisions de réserve, est dans une situation délicate. Au sud de Moscou, une partie des forces allemandes se retrouve coupée du reste de l’armée. Guderian signale, des mouvements de panique au sein de ses unités, et doit ordonner à ses divisions de se replier ;  abandonnant un grand nombre de matériels. En dix jours, l’Armée Rouge est parvenue à desserrer l’étau autour de Moscou repoussant dans certains secteurs les lignes allemandes à 130 km de la capitale. Les deux pinces qui menaçaient la ville d’encerclement sont détruites. Une grande confusion s’empare des généraux allemands qui ne savent plus où arrêter la retraite, chacun se souvenant de la Grande Armée de Napoléon, de 1812 et de la retraite de Russie. Hitler ordonne aux soldats allemands de tenir leurs positions et interdit tout nouveau recul. Aujourd’hui encore les historiens débattent pour savoir dans quelle mesure cette décision a empêché la retraite de la Wehrmacht de se transformer en déroute ou si elle n’a engendré que des souffrances supplémentaires pour les soldats. Néanmoins, début janvier, une nouvelle ligne de défense est constituée tandis que l’offensive soviétique s’épuise. Certes Joukov n’est pas parvenu à détruire l’ensemble du Groupe d’Armées Centre (en avait il les moyens ?), mais Moscou est sauvée. Au cours de la bataille autour de Moscou, les Allemands ont perdu près de 100 000 hommes, trois fois moins que les Soviétiques, mais ils abandonnent dans leur retraite des milliers de véhicules et de canons. Si Moscou est sauvé, la situation demeure critique pour les Soviétiques qui ne parviennent pas à réduire le saillant autour de Rjev d’où les Allemands peuvent encore menacer la capitale russe. Au Sud, les Soviétiques ne contiennent que très difficilement  les différentes attaques des divisions du général Von Manstein qui tentent entre le 17 et 26 décembre de s’emparer du port stratégique de Sébastopol.

Prisonniers allemands emmenés par leurs gardiens soviétiques. 50 000 soldats furent faits prisonniers au cours de la bataille de Moscou. La plupart seront envoyés dans des camps en Sibérie. Notez les tenues rudimentaires de protection contre le froid.

Conclusion :

Après la bataille de Moscou, Staline et dans une certaine mesure Joukov, se laissent gagner par un optimisme démesuré. Staline pense que la Wehrmacht affaiblie est au bord de l’effondrement et il ordonne par conséquent, au début de l’année 1942,  à l’Armée Rouge de passer à l’offensive sur l’ensemble du front. Joukov souhaite lui réduire le saillant qu’occupe toujours les Allemands autour de Viazma et de Rjev (cf carte ): menace potentielle pour la capitale en cas de nouvelle offensive allemande. Les forces sont dispersées ce qui implique que si les Soviétiques attaquent partout ils ne sont forts nul part. De plus l’Armée Rouge n’a pas encore absorbé les pertes de l’été 1941 : la logistique est mauvaise, peu de réserves et peu de chars ou d’armes individuelles sont disponibles. Joukov le reconnaît lui même, l’Armée Rouge est encore en phase d’apprentissage. A maintes reprises, il doit rappeler aux commandants de ne pas lancer d’assaut frontal, de concentrer les unités sur les axes de l’attaque et de coordonner l’action de l’artillerie sur l’avance de l’infanterie. Autant de notions élémentaires pour les officiers allemands mais qui sont encore mal maîtrisées par leurs homologues soviétiques. Le général allemand Heinrici, qui défendra Berlin en 1945, analyse ces échecs : « Si les Russes avaient concentré tous leurs moyens contre quelques objectifs clés, ils auraient pu nous détruire. Ils ont cru que nous étions finis. Ils ne pensaient pas que nous soyons capables de faire surgir des groupes de combat à partir de rien et que nous puissions les jeter contre leurs flancs. » Sous-estimant gravement la capacité de réorganisation de la Wehrmacht, ces offensives vont échouer avec un coût humain terrible pour l’Armée soviétique. Pertes en partie due à l’acharnement de Staline de poursuivre cette stratégie « d’offensive à outrance ».

Néanmoins, les attaques soviétiques permettent de soulager un peu les assiégés de Leningrad[7], en écartant la menace allemande sur les points de ravitaillement. Début 1942, les habitants reçoivent, pour la première fois depuis le début du siège, des rations de viande. Au sud de Leningrad, dans la région de Demiansk, les Soviétiques parviennent en février 1942, à encercler six divisions allemandes soit environ 100 000 hommes. Les combats autour de la poche de Demiansk (d’un périmètre de 60km) sont très violents et les unités allemandes ne peuvent être ravitaillées que par les airs. En mai, des divisions blindées SS viennent les dégager et brisent l’encerclement.

Ravitaillement par des avions de la Luftwaffe, des unités encerclées à Demiansk en février 1942.

Cet affrontement est un échec relatif pour l’Armée Rouge qui échoue à détruire les unités allemandes. Hitler considère désormais qu’une force encerclée doit se défendre sur place dans l’attente de renforts. Il est également convaincu des capacités de la Luftwaffe à assurer un pont aérien efficace. Cet état d’esprit ne sera pas sans conséquence dans la suite de la campagne.

En avril 1942, pour la première fois depuis le début de la guerre, le front se stabilise. Les deux adversaires épuisés doivent reconstituer et réarmer leurs unités. L’Armée Rouge a perdu environ 4,5 millions d’hommes dont 3 millions de tués, prisonniers ou disparus. 40% de la population soviétique vit en territoires occupés, 35% du potentiel économique est détenu par l’ennemi. La Wehrmacht a laissé sur le terrain le tiers de son effectif de départ en juin 1941, soit 1 million d’hommes. Jamais plus, les Allemands ne pourront reconstituer une armée aussi puissante qu’avant Barbarossa.

Depuis le 7 décembre 1941 et l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, les États-Unis sont entrés dans le conflit : le spectre de la guerre sur deux fronts devient une réalité pour Hitler. Le dictateur fait porter sur ses généraux la responsabilité de l’échec devant Moscou (oubliant que le plan Barbarossa était dès l’origine beaucoup trop ambitieux). Les généraux Hoeppner, Von Rundstedt et Guderian, officiers jugés trop indépendants sont démis de leurs fonctions. Le général Brauchitsch, chef de l’OKW, et le général Hadler, son chef d’état-major, sont renvoyés. Hitler décide d’assurer personnellement le commandement de l’OKW. Progressivement il interférera de plus en plus dans la conduite de la guerre avec pour conséquence une perte d’autonomie et d’initiative des chefs de la Wehrmacht.

La brutalité de l’occupation allemande suscite la formation de groupes de partisans à l’arrière de leurs lignes. Renforcés par d’anciens soldats de l’Armée Rouge, ils harcèlent les Allemands et sabotent les lignes de chemins de fer perturbant ainsi la logistique allemande. La Whermacht doit mobiliser plusieurs unités pour réprimer violemment ces mouvements et sécuriser l’arrière.

A l’inverse, Staline a reconstitué autour de lui un état-major compétent et commence à faire confiance à ses généraux. Il dispose d’officiers de terrains aguerris (Koniev, Rokossovski, Joukov) et de bons organisateurs (comme Vassilevski). Le corps des officiers est valorisé, avec la fin progressive du double commandement et de la tutelle des commissaires politiques, l’introduction des épaulettes, et la création de nouvelles décorations. Les théories sur l’exploitation en profondeur d’une percée par des unités blindées et mobiles sont réhabilitées. Cette doctrine avait valu le peloton d’exécution à ses défenseurs lors de Grandes Purges. Tout au long de la guerre, ce haut-commandement restera globalement inchangé. Si les Soviétiques ne réussiront jamais à égaler la maîtrise tactique des Allemands, ils les surpasseront, après un long apprentissage, dans le domaine de la planification stratégique et de l’opératif.

Les deux principaux généraux de Staline : à gauche Joukov le vainqueur de la bataille de Moscou et à droite Rokossovski réhabilité après avoir été emprisonné par le NKVD.

La bataille de Moscou, a permis à l’Union Soviétique de demeurer dans le conflit mais les Allemands restent solidement installés en Russie. La guerre sera longue et les deux adversaires se préparent désormais pour le second round. à nouveau après la bataille c’est à dire les morts, les blessés, les disparus ou les prisonniers.

Dans le dossier, se trouvent plusieurs vidéos permettant de mieux comprendre la contexte :

– Archive des actualités françaises (Vichy), sur la visite du Ministre des Affaires Etrangères soviétique Molotov à Berlin en novembre 1940.

– Archive des actualités françaises (Vichy), meeting au Vélodrome d’Hiver à Paris lors de la Création de la LVF. De tous les présents Jacques Doriot apparaît déjà comme le grand tribun de la Collaboration.

– Discours de Staline le 7 novembre 1941.

Le général Heinz Guderian considéré comme un des pères de l’arme blindée allemande. La photo est ici prise en septembre 1941 lors de l’offensive vers Moscou. Doté d’un fort caractère et n’hésitant pas à désobéir aux ordres, il s’opposera souvent à Hitler pour contester ses choix stratégiques.

Dernier point, après la guerre plusieurs généraux allemands (dont Guderian) ont, dans leurs Mémoires, tenté d’absoudre la Wehrmacht des crimes commis en Union Soviétique (les rejetant sur la SS et les nazis). Ils ont aussi fait porter la responsabilité de l’échec devant Moscou aux décisions de Hitler. Selon eux, si Hitler avait laissé Guderian progresser vers Moscou, au lieu de le faire obliquer vers le Sud, la victoire aurait été assurée. La vérité est plus complexe. La Wehrmacht est une armée conçue pour avancer vite, les moyens dédiés aux unités de soutien et à la logistique y sont donc négligés. Pour beaucoup d’historiens, avec des lignes de ravitaillements étirées sur plus de 1000km dans des territoires dépourvues d’infrastructures, le Groupe d’armées Centre était en août 1941, à la limite d’une rupture logistique et aurait été forcé de stopper son avance quel que soit la stratégie retenue. Autre facteur, qui saute aux yeux en regardant une carte, le Groupe d’Armées Centre avait son flanc sud très vulnérable. Poursuivre sur Moscou aurait impliqué de prendre le risque de s’exposer à des attaques du Front soviétique Sud-Ouest, fort de 650 000 hommes, et de se retrouver coupé du reste de l’armée allemande.

Le général allemand Von Weichs commandant la IIe Armée en 1941, le reconnaitra après la guerre :

«Aujourd’hui nous savons que le Groupe d’Armées Centre n’a pas atteint Moscou, que sa poussée trop tardive, par un hiver très froid, et un surprenant redressement de la capacité de combat des Russes l’ont conduit finalement à la défaite. Aussi était on enclin à tenir la bataille de Kiev comme une erreur stratégique. Mais nous ne pouvons pas savoir si le Groupe Centre aurait pu atteindre Moscou si la puissant menace était demeuré sur ses flancs et ses arrières. Dans tous les cas, mener la bataille sur Dniepr avant d’attaquer Moscou a été une décision stratégiquement fondée ».

Annexe II :

Le T-34 :

Le T-34 est sans doute l’un des chars les plus connus de la Seconde Guerre Mondiale. Conçu à la fin des années 30, le T-34 est un char de 28t équipé d’un canon de 76mm. Il dispose d’un blindage épais pour l’époque : 45mm pour l’avant et les flancs, 52mm pour la tourelle. Les ingénieurs révolutionnèrent la construction des chars en adoptant un blindage incliné qui améliore la résistance à la pénétration des obus sans augmenter le poids du char. Ses larges chenilles lui permettaient de progresser en terrain difficile. De conception « rustique », il souffrait de quelques défauts. Ses épiscopes de visées étaient, par exemple, mauvais ce qui réduisait sa portée de tir. En 1941, la plupart des chars allemands étaient équipés de canons de 50mm ou de 75mm courts inefficaces contre le T-34. Les artilleurs allemands, comme durant la bataille de France, se rendirent compte avec effroi que les chars modernes étaient invulnérables à leurs obus antichars. Seul le canon antiaérien de 88mm, tirant à l’horizontal, pouvait le détruire. Même si la Wehrmacht mis en service des chars plus efficace à partir de 1942, le T-34 demeurera le char de bataille principal de l’Armée Rouge. Il sera constamment amélioré et équipé d’un canon de 85mm en 1944. Ses différentes versions ont été produites à plus de 50 000 exemplaires. A titre de comparaison, le char moyen allemand, le Panzer IV n’a été produit qu’à 9 000 unités.

Le lance-roquettes multiples Katioucha :

 Cette arme, dont le nom officiel est BM-13, est constituée d’un camion sur lequel sont installées des (souvent 16) roquettes de 82mm ou de 132mm. Ces roquettes sont très imprécises mais la cadence de tir des Katioucha était assez impressionnante : les roquettes pouvaient être toutes tirées en moins de dix secondes. Une batterie de 36 Katioucha pouvait donc saturer et dévaster une large zone en très peu de temps. Les roquettes étaient propulsées par un propergol solide à base de nitrocellulose tandis que l’ogive était constituée d’un explosif à fragmentation permettant une efficacité dans un rayon de 7m après l’impact. La portée du BM-13 était d’environ 8km. Les premières batteries de Katioucha furent déployées en 1940.

Au terme du plan « Lend -Lease », les Américains livrèrent environ 375 000 camions Studebaker à l’URSS dont une partie fut reconfigurée en lanceur Katioucha. Le Katioucha permettait une grande mobilité à l’artillerie soviétique, puisque les lanceurs pouvaient facilement changer d’emplacement après un bombardement évitant ainsi les tirs de contrebatteries. Cette arme devint la terreur des fantassins allemands qui savaient que le bruit caractéristique des Katioucha annonçait le début d’une offensive de l’Armée Rouge.

Le Junker 87 (ou Stuka) :

Le Stuka (abréviation de Sturzkampfflugzeug ou avion d’attaque au sol) fut le premier bombardier conçu dès l’origine, en 1935, dans un rôle d’appui au sol. Entièrement métallisé, avec des ailes en W ce bombardier léger est capable d’effectuer des piqués au delà de 60° d’inclinaison. Equipé de deux mitrailleuses et d’une bombe de 500kg, le Ju-87 a pour mission d’appuyer l’avance des Panzerdivisionnen et c’est dans ce but que la Luftwaffe développe des équipes au sol chargées du guidage des avions et des liaisons avec les unités blindées. Remportant d’importants succès en Pologne et en France (en permettant la percée de Sedan en mai 1940), le Ju-87 se montre cependant vulnérable (à cause de sa faible vitesse) face à une aviation et une DCA organisées (notamment contre la RAF). Lors de l’opération Barbarossa, il profite de la supériorité aérienne allemande puis évolue dans un rôle antichar. L’as Rüdel sera ainsi crédité de 2 000 cibles détruites sur son Ju-87 équipé d’un canon de 88mm. Cet avion sera complétement surclassé par les appareils alliés à partir de 1943. Le Ju-87 pâtira de la faiblesse industrielle du IIIe Reich qui ne commencera à le produire en masse qu’à partir de 1943, bien trop tard. Faute de remplaçant valable, il continuera à être fabriqué jusqu’en 1944. 6 000 Ju-87, dans diverses versions, furent produits durant la guerre. A titre de comparaison, l’équivalent soviétique, l’Il-2 Sturmovik (premier vol en 1939) fut produit à plus de 36 000 exemplaires, et le P-47 américain (apparu en 1942) à 15 000 unités.

Bibliographie :

Livres :

– « Joukov », Jean Lopez, 2013

– « Stalingrad », Anthony Beevor

– Revue Guerre & Histoire n°5, article « Stuka vs Sturmovik : le match de l’appui au sol »

Films :

« Apocalypse », : série produite par France sur la Seconde Guerre Mondiale

« Soviet Storm, World War II » : série de documentaires russes sur le conflit germano-soviétique et disponible en anglais sur Youtube.

Pour plus d’informations sur la politique raciale nazie et ses conséquences lors de la guerre en URSS, je vous conseille la (re)lecture du Point Histoire consacré à Reinhard Heydrich.

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    I. Jusqu’en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien en retard de 15 jours par rapport au calendrier grégorien (que nous utilisons). La révolution dite d’Octobre qui établie le pouvoir de Lénine et des bolcheviks a donc eu lieu le 7 novembre dans le calendrier grégorien